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 endant plus d'un an, Pierre Carles, l'auteur de Pas vu pas pris, a suivi le sociologue Pierre Bourdieu dans son travail concret de scientifique et son combat quotidien contre l'ordre dominant néo-libéral. Malgré sa longueur (2h26), aucune durée excessive dans ce film presque "grand public" tant le choix et l'agencement des scènes filmées en de multiples lieux (débat avec les jeunes à Mantes-Val Fourré, rencontre avec Günther Grass, moments de travail individuel ou collectif à l'Ecole des Hautes Etudes,...) contribue à rendre limpides la démarche et les analyses de Bourdieu et de son équipe, sans jamais nécessiter une quelconque lecture préalable de leurs écrits. Ce film présente l'immense mérite de lutter concrètement contre un anti-intellectualisme ambiant entretenu par la fréquente pauvreté des débats d'idées dans les grands médias. Il valorise le travail intellectuel moderne en donnant à voir son important rôle social de dévoilement de la réalité derrière les apparences, ses exigences de rigueur scientifique dans son fonctionnement quotidien, le travail d'équipe et la dimension nécessairement pluridisciplinaire qui caractérise la recherche en sciences sociales (une large place est faite aussi à Loïc Wacquant et aux débats entourant la sortie de son livre important contre l'idéologie sécuritaire, "Les prisons de la misère", Ed. Raisons d'Agir, 10/99). Il stimule aussi la réflexion sur le difficile équilibre à trouver pour un chercheur combatif entre les temps de concentration pour produire un travail intellectuel de qualité, et l'implication militante dans la vie sociale. Doublement subversif, ce film peut contribuer à l'appropriation par un large public d'éléments d'analyses sociologiques conduisant à une meilleure compréhension du monde, et stimuler l'envie de se lancer dans la lecture des œuvres de Bourdieu et de son équipe. En s'attachant à filmer la " pensée en mouvement " de Pierre Bourdieu, le film de Pierre Carles montre bien, comme l'écrit Loïc Wacquant, "le processus qui mène à faire de la sociologie une forme de service public de la pensée critique"...
Vincent Ostria, "Par ici les sorties", 02/05/2001, L'Humanité.
La voix de Bourdieu. Pas vu pas pris, le premier film de Pierre Carles était brouillon mais caustique. S'il s'était attaqué à un sujet plus consistant, Carles aurait pu être le Michael Moore français. Mais ici, ça ne rigole pas : le cinéaste a filmé dignement, pendant trois ans, des interviews, réunions, conférences du pape de la sociologie, Pierre Bourdieu. C'est intéressant comme digest, vulgarisation de la pensée du sociologue. Mais, dépourvu de forme, de continuité, fait de pièces et de morceaux, dont certains détournés (l'entretien Bourdieu/Günther Grass refilmé sur un petit écran), le film ne nous en apprend guère sur l'homme Bourdieu et ne fait finalement que le sacraliser comme pythie moderne.
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