| il est un spectacle plus navrant que celui dune entreprise commerciale tortillant du popotin pour attirer le chaland, cest bien celui dune entreprise publique qui veut en faire de même, mais ne sait pas sy prendre. Je suis accablé de cette pensée mélancolique chaque fois que je pénètre dans un bureau de poste, où lon a tout loisir, en attendant son tour, de contempler ces ignobles affiches, pleines de lenthousiasme le plus crétin, qui tentent de vous fourguer des produits multicolores, cumulant le double désavantage de la laideur et de linutilité (enveloppes danniversaire, timbres formidables, etc). À mon bureau de poste, sert une nouvelle dinde. Tout en cherchant les quelques timbres à 3 f 50 que je veux acheter, elle me demande ce que je compte en faire, et si je suis bien sûr que cest ce que je veux. Je ne réponds pas. En me rendant ma monnaie, elle me redemande ce que je peux bien vouloir faire de ces timbres, dont elle me dit quelle nen vend jamais. Jai envie de lui répondre que cest pour me les foutre au cul, mais je me contente de lui clouer le bec en faisant remarquer que je nai pas à justifier cet achat. Jaurais pu lui expliquer quelle devrait sétonner que son administration imprime des timbres dune valeur inusitée, ou quelle pourrait connaître les tarifs postaux autrement quen interrogeant les clients (en loccurrence, celui dune lettre non urgente dentre 20 et 50 grammes, ce qui ne doit pas être une telle rareté), mais à quoi bon? Allégorie du cinéma. «- Maintenant, dis-je, représente-toi la nature des spectateurs, daprès le tableau que voici. Figure-toi des hommes assis devant un écran dans une demeure souterraine en forme de caverne, avec de la moquette. Ils sont là aussi souvent quils peuvent, et à leur frais.. La lumière dun appareil situé en hauteur brille derrière eux. Elle projette sur lécran un film, qui représente une histoire inventée. - Je vois cela, dit-il. - Figure-toi maintenant que sur lécran, le film fait paraître toutes sortes de personnages animés. Et naturellement, parmi ces acteurs qui défilent, les uns parlent, les autres ne disent rien. Les spectateurs admirent les acteurs, qui sont plus riches queux. Ils ne souhaitent pas regarder ailleurs que devant eux, car la fascination les empêche de tourner la tête. - Voilà, dit-il, un étrange tableau, et détranges moeurs. - Penses-tu, repris-je, quen pratiquant ce divertissement, les spectateurs apprennent sur eux-mêmes et sur leurs congénères autre chose que ce que leur racontent les ombres projetées par lappareil sur la partie de la caverne qui leur fait face? - Sans contredit, pourrait-il en être autrement?» Etc. Dans Ritos y tradiciones de Huarochiri, où je cherchais des renseignements pour le baron Meens, je lis : «Il y a aussi trois étoiles qui sont en ligne droite. On leur donne le nom de Condor» (sentences 22-23 du chapitre 29). Jai pensé immédiatement, mais sans pouvoir en être sûr, quil sagissait des trois étoiles formant la «ceinture» de la belle constellation dOrion, également visibles de chez nous, et dont lalignement quasi parfait frappe lesprit par sa disposition qui semble artificielle. Jimagine volontiers quelles figurent un condor planant lentement, les ailes écartées. Jai lu jadis dans Le Rameau dor de J G Frazer quOrion était, avec les Pléiades, la constellation la plus souvent notée dans les cultures exotiques. (Sur Orion, voir aussi les LD 202 & 256). Rêverie : former un Comité pour linternement de Michel Serres. Les Pierres de Roger Caillois sont admirables. Vers le pôle, de Fridtjof Nansen (traduit et abrégé par Charles Rabot, ce qui est plaisant, Flammarion, 1897) est un récit de voyage envoûtant, plein dours et de morses, de mouettes et de phoques, de paysages crépusculaires. Une note de la p 79 fait sourire aujourdhui: «Les patins norvégiens, les ski, nom sous lequel nous les désignerons désormais, sont de longues et étroites lamelles de bois, permettant davancer rapidement sans enfoncer sur la neige. ... Les ski ne doivent pas être confondus avec les raquettes en usage dans les Alpes et dans lAmérique du Nord (...)». Un mystère probablement dû à un problème de traduction : lanniversaire de Nansen est dabord signalé au 6 septembre (p 51), puis au 10 octobre (p 170), cette dernière date étant bien donnée comme celle de sa naissance dans ma Britannica. «Priez ou lisez sans relâche : tantôt parlez à Dieu, et tantôt que Dieu vous parle.» Saint Cyprien, Lettre première. | |