Dans
son numéro
zéro, PLPL s’étonnait de l’association
d’Attac avec Matra-Hachette-Lagardère, marchand d’armes et
grand groupe de presse et d’édition. Relayée par le n° 160
du Grain de sable <www.attac.org>,
l’information provoqua des remous chez les militants d’Attac.
Un membre du comité Paris 15e proposa une pétition pour changer d’éditeur.
Voici la réponse du président Bernard Cassen : « C’est
moi, en liaison avec René Passet, président du Conseil scientifique,
qui ai pris la décision de publier nos petits livres aux éditions Mille
et Une Nuits. J’en ai évidemment informé le Bureau qui n’a
pas considéré qu’il y avait matière à débat. Pourquoi cette décision ?
[…] Trois paramètres étaient à prendre en considération :
le prix public ; la capacité de diffusion et de distribution
de l’éditeur ; la capacité logistique de l’éditeur à faire
des envois directs aux comités. En ce qui concerne le prix public, seuls
L’Esprit frappeur et les Mille et Une Nuits pouvaient proposer
10 francs. Mais le considérable avantage de l’éditeur retenu,
membre du groupe Fayard, est son réseau de diffusion et de distribution
très dense et sa réactivité aux demandes de réassorts. […]
Cette collaboration n’implique évidemment – qui pourrait
sérieusement en douter ? – aucune allégeance politique,
et nous ne nous priverons pas de critiquer le groupe Lagardère quand
il le faudra, voire de publier un livre contre lui chez le même éditeur…
Le problème de la “symbolique” m’apparaît, en la circonstance,
moins important que celui de l’efficacité. Pratiquement toute l’édition
française est contrôlée par des grands groupes. Nous avons donné la
priorité à la diffusion des idées. Et les résultats sont là ! Par
ailleurs, il ne faut pas sous-estimer l’impact de l’“effet
collection” chez un même éditeur qui nous aidera à vendre des titres
moins “porteurs” que les deux premiers […] J’espère
que ces précisions répondront à vos interrogations. »
Largement ignoré par la presse nationale lors du récent débat sur les conditions d’incarcération, Les Prisons de la misère de Loïc Wacquant (Raisons d’agir, 1999) a retenu l’attention de Philippe Person (Person magazine) et de Jean-Marc Rouillan (Action directe). Il est des livres qui, à l’instar des Prisons de la misère, passent relativement inaperçus alors que l’on sent leur sujet essentiel. Je crois que la démonstration radicale de Loïc Wacquant, montrant que l’abandon partout dans le monde occidental, et de manière extrême aux États-Unis, de l’État social, aboutit en contrepartie au développement d’un État pénal qui privilégie l’univers carcéral pour régler les problèmes de la pauvreté, fera bientôt l’objet de succédanés édulcorés, voire fictionnés, ou permettra à un faiseur médiatique de jouer les Cassandre visionnaire. Évidemment, le journaliste-enquêteur qui se démarquera de Wacquant en restera au constat et n’ira pas jusqu’à incriminer le néolibéralisme triomphant et la victoire des thèses idéologiquement douteuses comme la « tolérance zéro » chez les anciens sociaux-démocrates type Blair ou Jospin. Wacquant, en effet, montre comment, parti des laboratoires idéologiques de la droite conservatrice américaine, le tout-sécuritaire moderne s’est répandu d’abord en Grande-Bretagne puis en Europe continentale et en France particulièrement. À la lumière de Wacquant, on comprend mieux pourquoi aussi peu de gens, parmi ceux qui se proclament authentiquement de gauche, protestent quand Mme Guigou annonce la création de nouvelles prisons, et ne met pas le hola à une politique répressive grandissante qui allonge les peines et incarcère de plus en plus généreusement les délinquants issus des classes populaires. Wacquant confirme ce que je pense depuis longtemps : le prochain reniement idéologique de la gauche sera sur le terrain de la sécurité. Il parle sans mâcher ses mots du « révisionnisme pénal » du gouvernement Jospin, s’en prend « à l’aggiornamento idéologique de la gauche gouvernementale visant à redéfinir le périmètre et les modalités d’action de l’État, dans un sens restrictif au plan économique et social, et expansif en matière policière et pénale » […]. Philippe
Person Cher Monsieur, Votre livre nous est parvenu et je tiens à vous en remercier au nom de mes co-détenus. Depuis, il circule de cellule en cellule. J’ai déjà dû en colmater la structure à grands renforts de ruban adhésif ! J’ai la certitude que ce travail apporte une conscience nouvelle à tous ceux qui vivent, dans leur chair et leur esprit, le durcissement des politiques pénales. Je le constate dans nos discussions. Les détenus sont d’autant plus intéressés et troublés que vous allez au-delà de leur situation carcérale pour non seulement la dénoncer, mais lui donner un sens et une approche globale et transnationale – l’allongement des condamnations, le recul des mesures d’application des peines, la lente agonie des centres scolaires et des activités culturelles… En tant que prisonnier révolutionnaire, j’oppose malgré tout à votre démonstration quelques critiques ; essentiellement à propos de votre défense d’un État social (illusion) face à l’État pénal actuel. Pensez-vous que le capitalisme puisse réellement survivre sans le rapport de force qu’il impose aujourd’hui ? Le néolibéralisme n’était-il pas la seule solution possible (du point de vue de la bourgeoisie) à la crise du fordisme ? Le saut à un nouveau modèle d’accumulation ne reposait-il pas avant tout sur la répression du prolétariat et de ses aspirations, et ne se reproduit-il pas en réprimant les misères et les révoltes produites par la qualité de précarité globale ? Sans peur de passer pour un incorrigible « paléobolchevik », un « incompatible », je dirai qu’il est impossible de situer l’État pénal (et son devenir) sans une étude de la composition/lutte des classes dans l’ensemble du système impérialiste. Merci
de votre attention ¡ Venceremos ! Jean-Marc Centrale de Lannemezan, le 10 avril 2000 Jean-Marc
Rouillan
|
||||||||