ARGUMENT :
S’il
est vrai que " toute sociologie est une socioclastie ", que dire de
la sociologie des pratiques culturelles ? L’artiste, l’écrivain,
le philosophe, l’homme de science n’apprécient guère
que soit percée à jour la part d’ombre et d’idéologie
charismatique dont ils s’enveloppent. L’homme de culture et de savoir
n’accepte pas non plus sans résistance que la libre subjectivité
qu’il prête à ses goûts (ou au choix de ses objets
et méthodes de recherche) soit renvoyée aux contraintes
objectives dont ceux-ci portent les marques. Armé de concepts
tels que ceux de champ, d’habitus, d’hexis, d’éthos, de violence
symbolique ou d’illusio, Pierre Bourdieu procède depuis près
de cinquante ans à ce démontage iconoclaste autant que
nécessaire. Controversées ou désormais classiques,
ses analyses demeurent de puissantes provocations à la réflexion,
loin des études qui, s’emparant des phénomènes
culturels comme d’autant d’objets substantiels, sans construire l’espace
au sein duquel ils prennent forme et sens, conduisent, au mieux, à
énumérer des marques sociales périphériques
et, au pire, à entériner l’ordre culturel et ses classements.
Le
colloque poursuit un double objectif. D’une part, il s’agira d’évaluer
l’apport du sociologue à l’intelligibilité des pratiques
symboliques et de prolonger cet apport dans des domaines tels que
la littérature et les échanges linguistiques, les arts
d’élite et les arts populaires, la culture politique et les
stratégies médiatiques, ou encore les modes divers par
lesquels s’opère l’incorporation des structures sociales. Comme
il n’y a de science que dans la circulation et la mise à l’épreuve
des méthodes et des concepts, il s’agira, d’autre part, de
prendre la mesure de la diffusion internationale du travail de Pierre
Bourdieu. Travaillant sur les cadres théoriques et méthodologiques
qu’il a développés, bien des chercheurs aux Etats-Unis,
au Japon, en Allemagne, en Angleterre ou encore en Amérique
latine repensent ces cadres en fonction de leur aire culturelle ou
scientifique d’appartenance. La confrontation de leurs points de vue
constituera l’une des originalités de la rencontre.
CALENDRIER
jeudi
12 juillet
A partir du 15 heures : ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Après le dîner : Présentation du Centre,
du colloque et des participants
vendredi
13 juillet
matin : Jacques DUBOIS: Présentation
générale
Craig CALHOUN (Chapel Hill) : Méconnaissance de l’intégration
globale : les illusions de l’universalité face aux multiplicités
de solidarité et de pouvoir
après-midi : Yves WINKIN (ENS Saint-Cloud) :
Photos de terrain : la disposition ethnographique de Pierre
Bourdieu
Table
ronde : Anthropologie et pratiques du corps
Priscilla
P. FERGUSON (Columbia) : La gastronomie aujourd’hui : un
champ en mouvement
Tassadit YACINE (EHESS) : Algérie 60 ou l’émergence
d’une pensée inédite
samedi
14 juillet
matin :
Bridget
FOWLER (Glasgow) : Photographie : quelques questions sur la
démocratisation de l’art et l’analyse tragique de la réception
Michael
GRENFELL (Southampton) : Bourdieu et l’art contemporain et
Grande-Bretagne
après-midi :
Table ronde : Champ artistique
Johann HEILBRON (Amsterdam), Maria SHEVTSOVA (Londres),
Wolfgang ASHOLT (Osnabrück)
dimanche
15 juillet
matin :
Marcel FOURNIER (Montréal) : Catégories de pensée
et critères d’évaluation de la recherche universitaire
Pascal DURAND (Liège) : Les ruses de l’illusion. Avant-garde
et désenchantement
après-midi : Cornelia BOHN
Table
ronde : Champ littéraire
Constanze BAETGHE (Osnabrück),Paul
DIRCKX (Lannion), Jérôme
MEIZOZ (Lausanne)
soirée débat :
Roman et science sociale : rencontre avec Annie ERNAUX
lundi
16 juillet
matin :
Jean-Marie KLINKENBERG (Liège) : Questions de socio-linguistique
Kees VAN REES
(Tilburg) : La fragmentation du public des médias.
Vers une reconsidération de la thèse de Bourdieu sur
l’homologie des publics, des produits et des producteurs
après-midi : Détente
soirée : Projection du film de Pierre CARLES : "La
sociologie est un sport de combat"
mardi
17 juillet
matin :
José Sergio LEITE LOPES (Rio de Janeiro) : La réception
des travaux de Pierre Bourdieu dans le renouvellement des analyses
sur les classes populaires brésiliennes
Niilo KAUPPI : Du sociologue comme moraliste
après-midi :
Table ronde : Effets de champ
Marie-Andrée
BEAUDET (Laval, Québec), Benoît
DENIS (Liège), Philippe
FRITSCH (Lyon 2), Luc
VAN CAMPENHOUDT (Bruxelles)
mercredi
18 juillet
matin :
Table ronde : Médias et champ intellectuel
Geoffrey GEUENS (Liège),
Isabelle
KALINOWSKI (CNRS), Teresa
OROZCO (Berlin), Wolfgang
SETTEKORN (Hambourg)
après-midi :
Pierre BOURDIEU (Collège de France) : Éléments
pour une auto-socioanalyse
jeudi
19 juillet
matin :
Nicos PANAYATOPOULOS (Athènes) : La sociologie de Bourdieu : une
théorie comme praxis et non comme Logos (texte lu)
Présentation
du travail des jeunes chercheurs
Conclusion
générale
après-midi :
DÉPART DES PARTICIPANTS
RÉSUMÉS
Wolfgand
ASHOLT : Echec du projet ou limites de la théorie? Avant-gardes
historiques et champs littéraires?
Avec l'enjeu central de l'autonomie, la dichotomie de l'art pur et
de l'art social reste constitutive pour la théorie du champ
littéraire. Mais que devient, vis-à-vis de tels présupposés,
un mouvement artistique et littéraire refusant cette alternative,
non pas en la dépassant par une synthèse, mais en essayant
de quitter le système même et en reconduisant l'art dans
la vie ? Même si ce projet des avant-gardes historiques n'a
pas su établir une position à l'intérieur de
l'extérieur dans la durée, la question se pose de ce
qui subsiste du caractère révolutionnaire d'un tel projet
- qui a voulu et a pu réaliser, au moins momentanément,
l'impossible - quand on y applique les règles de l'art qui
le situent à l'intérieur de l'espace des possibles.
Constanze
BAETGHE : "Une littérature sans littérarité?
L'expérience littéraire et la jouissance esthétique
qui l'accompagne passent d'abord, selon la science de l'oeuvre d'art
proposée par Pierre Bourdieu, par la reconstruction de l'horizon
historique et social dans lequel l'oeuvre a été "conçue",
ou "procréée". Misant sur la position univoque de l'auteur
dans un système relationnel de pairs, Bourdieu semble conférer
à toute expression esthétique voire imaginaire ("prise
de position") un statut purement formel, confirmant à la fois
la morphologie de son espace et l'habitus de son créateur.
Or, l'un des acquis de la modernité esthétique consiste
entre autre à faire valoir la forme comme porteur de sens et
à faire ressortir la dimension dialectique de l'oeuvre et son
autonomie propre, agissant à la fois sur elle-même comme
sur son auteur et l'espace dans lequel elle a été générée:
à en croire Gustave, Madame Bovary, c'est d'abord et toujours
Flaubert. Quel serait alors ce monde que dit le romancier et qui échappe
à la pratique du libre examen du sociologue? Est-ce que par
la force de l'interaction entre forme et sens, l'oeuvre n'arrive pas
à lézarder les frontières d'un champ trop solidement
structuré?
Marie-Andrée
BEAUDET : Apports de la théorie du champ au renouvellement
de l'histoire littéraire des petites nations
Je me propose, dans cette communication, de montrer comment la théorie
du champ a permis de renouveler l'étude du phénomène
littéraire et, en particulier, l'approche des "littératures
mineures" pour employer l'expression de Deleuze. Je me servirai de
l'exemple de La vie littéraire au Québec, ouvrage
collectif dont le 5ème tome qui couvre les années 1895-1918
est présentement en chantier. Le texte de présentation
qui ouvre chacun des tomes précise la dette théorique
de l'entreprise à l'égard des travaux de Pierre Bourdieu.
Il s'agira de faire voir comment précisément ces travaux
ont permis d'éclairer, par une problématisation différente,
le processus de constitution d'une littérature de langue française
en Amérique.
Benoît
DENIS: Centre et périphérie: le cas de la Belgique francophone
La littérature qui s'écrit en français en Belgique
entretient avec l'ensemble littéraire français des relations
que l'on décrit souvent en termes de rapports de la périphérie
au centre et de tensions entre stratégies d'assimilation et
de dissimilation. S'agissant d'un espace littéraire très
proche et dépendant du champ litéraire français,
on voudrait porposer de réévaluer la portée de
ce modèle en prenant en considération le fait que la
question de l'autonomie en Belgique a toujours été envisagée
dans deux sens distincts: autonomie sociale de la littérature,
sur le modèle français; autonomle identitaire ensuite,
cette littérature cherchant à se singulariser par rapport
à la production du centre. Le paradoxe est qu'aucune de ces
deux questions ne peut ici être envisagée indépendamment
de l'autre. L'objet de cette intervention sera donc d'évoquer
brièvement les effets induits par cette double définition
de l'autonomie en Belgique francophone.
Paul
DIRKX : La lecture des textes métalittéraires. Le cas
des Règles de l'art de Pierre Bourdieu
Les Règles de l'art ont été, lors de leur
publication en 1992, un pavé dans la mare de la critique littéraire.
Au-delà des polémiques sur le bien-fondé de leurs
thèses, il s'agira de s'interroger sur ce qui a motivé
les réactions qu'elles ont suscitées (à commencer
par l'hostilité au projet de l'auteur de contribuer à
une rénovation du discours sur la littérature et sur
l'art en général). Les réactions écrites
(comptes-rendus, articles, entretiens) seront rapportées à
l'espace des périodiques qui les ont éditées
ainsi qu'à l'espace scientifique qui sous-tend en partie ces
périodiques. Mais ce cas d'espèce est peut-être
surtout un révélateur extraordinaire des enjeux actuels
du conflit de frontières séculaire entre deux disciplines
qui se regardent toujours en chiens de faïence : l'étude
de la littérature et la sociologie.
Jacques
DUBOIS: Présentation
On ne peut plus en douter : la pensée de Pierre Bourdieu est
l’une des plus considérables de ce temps, comme en témoignent
son rayonnement international et la façon dont des chercheurs
de toutes cultures la prolongent en l’appropriant à des situations
locales. Il s’imposait donc, avec la collaboration d’un certain nombre
de ces chercheurs venus des cinq continents, de prendre la mesure
d’un tel essaimage et d’examiner la manière dont les concepts
et méthodes proposés par Bourdieu sont reçus
dans différents contextes sociaux et traditions scientifiques.
C’est le propos même du présent colloque.
Sachant que les analyses bourdieusiennes couvrent un nombre considérable
d’objets, de champs et de pratiques, il n’était cependant pas
possible de rencontrer tous les aspects d’une œuvre qui, malgré
ses insistances et sa forte construction théorique, défie
l’appréhension synthétique. On a donc choisi de prendre
sur cette œuvre un point de vue singulier, mais néanmoins transversal,
à savoir l’analyse des institutions et pratiques culturelles.
C’est bien le domaine que Pierre Bourdieu a exploré avec le
plus de constance. Soulignons cependant que, dans l’optique du sociologue,
il n’est pas de champ où les stratégies sociales ne
s’expriment symboliquement, que ce soit en termes de production, d’échange
ou d’accumulation de capitaux spécifiques.
Dans cette perspective et compte tenu de l’extrême cohérence
de méthode dont Pierre Bourdieu fait preuve dans ses différents
domaines d’intervention, on pointera , le moment venu, quelques thèmes
qui devraient faire, au cours de colloque, l’objet d’une discussion
théorique.
Priscilla
P. FERGUSON : La gastronomie aujourd'hui: un champ en mouvement
La gastronomie se constitue en champ culturel au 19e siècle,
produit de la modernisation, élément symptomatique de
la modernité. Le déplacement du spectacle cuisinologique
de la cour au restaurant transforme l'assise sociale de cette pratique.
Le nouveau marché des biens culinaires exige comme il rend
possible le personnage du grand cuisinier, vedette des fourneaux.
Le métier de cuisinier bascule de plus en plus vers le spectacle
qui jusqu'alors caractérise "la consommation ostentatoire"
de l'ancien régime. En ce qui concerne la gastronomie naissante
et encore plus celle d'aujourd'hui, c'est la "production ostentatoire"
qui détermine les coordonnées et les données
du champ.
Bridget
FOWLER : The Democratisation of Art and Bourdieu’s Tragic Analysis
of Reception
Pierre Bourdieu a provoqué un débat sur les idéologies
de l'art en publiant les résultats de ses enquêtes sur
les musées et ses réponses aux questions esthétiques.
Mais on peut se demander s'il a raison quand il écrit que la
photographie est un art mineur qui ne peut pas être consacré.
Cette contribution intègre son analyse sociologique dans une
étude génétique de la photographie, et pose la
question de la consécration de la photographie tout en se demandant
si ses producteurs canonisés ne sont pas des habitants des
champs étendus, c'est-à-dire des mondes de l'art inattendus,
bien au-delà des bohèmes métropolitaines.
Philippe
FRITSCH : La réception de la Noblesse d'Etat
Si, pour une bonne part, la réception d'un auteur résulte
de la dynamique du champ intellectuel où son oeuvre prend place
et des luttes symboliques qui s'y livrent, la position que tel de
ses livres peut y avoir dépend aussi de la manière dont
sont perçues les questions que pose cet ouvrage et les réponses
qu'il leur donne. L'étude comparée de la manière
dont on a reçu "La Noblesse d'Etat", notamment en France, en
Allemagne et en Belgique, permet de s'interroger sur l'importance
que peut avoir, parmi les conditions de réception d'un livre,
le rapport différencié des lecteurs - notamment les
rédacteurs de comptes rendus et de textes qui se réfèrent
à ce livre de Pierre Bourdieu - au sujet dont il traite ou,
plus exactement, à l'objet même des analyses qu'il présente.
Geoffrey
GEUENS : L' « activation » de l'Etat-providence en Belgique
- logiques de champs et habitus journalistique
En Belgique, la rencontre de logiques diverses et partiellement autonomes,
traversant les champs politique, économique et intellectuel,
a conditionné l'émergence sur la scène médiatique
de la problématique de l'Etat social actif (ESA) et de son
corollaire, celui de la « passivité » supposée
de l'Etat-providence classique. Si l'imbrication du champ économique
avec le champ médiatique belge, de plus en plus dépendant
du monde de la haute finance et de l'industrie, est au principe de
la publicité de cette nouvelle vulgate néo-libérale,
elle n'est pas la seule explication. Langage marqué, dirait
Bourdieu, « par une rhétorique de l'impartialité,
de l'équilibre et du juste milieu », le discours sur
l'ESA répond à l'habitus de cette petite-bourgeoisie
« centriste » et niniste que constitue l'élite
journalistique belge : « pas de redistribution équitable
sans responsabilité individuelle ».
Michael
GRENFELL : Le champ de l’art contemporain en Grande-Bretagne
Cet exposé se présente en trois parties :Tout d'abord,
il s'intéresse aux références à Bourdieu
et à quelles fins celles-ci ont été faites dans
l'étude des beaux-arts en Grande Bretagne au cours des dernières
décennies. Dans la deuxième partie, l'interprétation
de l'oeuvre de Bourdieu est exprimée en fonction de la position
relative des maisons d'édition britanniques dans le monde de
l'art. Enfin, la troisième partie est une étude
de cas qui permet de démontrer l'application et la valeur de
la méthode de Bourdieu afin de comprendre les procédés
dans le domaine de l'Art Contemporain Britannique.
Isabelle
KALINOWSKI : Une histoire sociale de la philosophie est-elle possible
?
S'il est une discipline plus que toute autre rétive aux questionnements
nouveaux introduits par Pierre Bourdieu, c'est sans doute la philosophie
et plus particulièrement la philosophie française. Imposée
à tous les élèves de l'enseignement secondaire
français avant le baccalauréat, la discipline philosophique
scolaire défend dans l'institution un modèle conceptuel
fondamentalement opposé à toute historisation, et davantage
encore à toute analyse sociale. Dans ce dispositif fondé
sur la fiction d'une égale disposition de tous les élèves
à "philosopher", le maniement scolaire des "notions" présuppose
que les concepts n'aient pas d'histoire et que les philosophes de
la tradition dialoguent en contemporains. Si l'histoire de la philosophie
domine en revanche l'enseignement supérieur de la discipline,
l'opposition entre le niveau scolaire et le niveau académique
n'est que superficielle : dans le second comme dans le premier, on
a affaire à une histoire canonique qui transcende l'histoire.
Jérôme
MEIZOZ : Les pistes de Pierre Bourdieu en vue d'une sociologie des
styles littéraires.
En pleine vague structuraliste, Pierre Bourdieu a été
l'un des rares chercheurs à renvoyer à l'oeuvre du linguiste
genevois Charles Bally, initiateur des théories de l'énonciation
et de la première pragmatique linguistique. Par sa théorie
du style (réévaluée et prolongée récemment
par des linguistes tel Jean-Michel Adam), Bally reconsidère
les conceptions singularisantes du style, et la vision élitariste
de la pratique artistique qu'elles charrient. Il réinsère
le discours littéraire au coeur des discours sociaux.
Il fait de même en éditant au Sens Commun, en
1977, la première traduction du Marxisme et la philosophie
du langage.
Bally et Bakhtine sont les deux sources d'une sociologie de la langue
littéraire que Bourdieu a esquissée et qu'il reste à
explorer.
En relayant cette pensée et ses conséquences, notamment
dans Ce que parler veut dire,Pierre Bourdieu suggère
une voie, après Bakhtine, vers l'étude sociologique
des faits de style. Ce domaine s'avère aujourd'hui l'un des
enjeux incontournables des sociologues de la littérature.
Cette piste sera illustrée à travers une recherche doctorale
sur le style oralisé chez les romanciers français de
l'entre-deux guerres (Céline, Giono, Queneau, Cendrars, Aragon,
Ramuz, Poulaille).
Teresa
OROZCO : Qu'est-ce que la théorie de la réception peut
apprendre de Bourdieu ?
Dans l'histoire de la pensée politique de la RFA, les idées,
les réflexions et les motifs centraux formulés dans
l'oeuvre de Hannah Arendt et de Carl Schmitt, trouvent aujourd'hui
un écho étonnamment positif. L'exposé traitera
la question de savoir comment des conceptions contraires du politique
- celle de la critique du totalitarisme et celle du penseur de la
dictature - semblent pouvoir être intégrées sans
trop de problèmes dans un cadre néolibéral, d'autant
plus que les interprètes et les "disciples" d'Arendt et de
Schmitt viennent d'horizons très différents. Je présenterai
les différentes étapes des deux réceptions et
les lectures de quelques auteurs choisis, qui permettront de dégager
certains paradigmes. Je formulerai ensuite quelques thèses
sur l'importance politique et sociale de la réception et sur
l'étude de celle-ci, qui ne peut se faire qu'à partir
des analyses de l'efficace des discours politico-philosophiques effectuées
par Pierre Bourdieu.
Wolfgang
SETTEKORN : Sport, media, économie: aspects linguistiques
d'un cercle enchanté
Les médias vouent beaucoup d'espace au sport et la commercialisation
du sport progresse depuis la "libéralisation" des paysages
médiatiques européens. Tout cela se reflète dans
les usages linguistiques et dans la conceptualisation. D'une part,
des métaphores à base sportive servent à concevoir
des faits économiques. D'autre part, le sport est métaphorisé
en termes d'économie. En allemand, cette tendance se manifeste
aussi dans la formation de mots, par exemple le mot "Zweieinhalbmillionen-Flop"
est utilisé pour désigner un joueur de football qui
ne marque pas de buts. Ainsi, la métaphorisation, la formation
et le choix du vocabulaire lient deux champs différents et
tendent à la création d'un effet de vérification
mutuelle qui fait abstraction de la nature différente des référents
et qui semble aller sans dire parce que tout semble être visible,
audible et audible à tous.
Luc
VAN CAMPENHOUDT : Les politiques sécuritaires en Belgique:
rapports objectifs et symboliques entre champs
L'intervention portera sur les relations entre les champs politique,
policier, judiciaire et social, telles qu'elles apparaissent dans
un ensemble de recherches de terrain coordonnées par l'auteur
sur la mise en oeuvre et les effets des politiques sécuritaires
(contrats de sécurité et de société) développées
à Bruxelles dans les quartiers dits "à risques".
Kees
VAN REES : Questions de poétique
Durant le dernier quart du XXème siècle, le marché
de la presse écrite a été caractérisé
par une concentration des producteurs, une réduction du nombre
de titres, et une diminution des abonnements. A l'inverse, la période
1975-1995 a vu les chaînes de télévision se multiplier.
Cependant, cette multiplication des chaînes n'a pas été
suivie par un mouvement similaire au plan des types de programmes,
et l'offre en 1995 n'était pas fondamentalement différente
de celle de 1975.
Dans mon intervention, j'approcherai la lecture de la presse écrite
et la consommation de télévision comme deux pratiques
culturelles étroitement liées. Sur la base de sondages
réalisés en 1975 et 1995 auprès de lecteurs et
téléspectateurs néerlandais, j'analyserai la
relation entre les pratiques de télévision et de lecture,
et l'évolution de cette relation sur une période de
20 ans. Une analyse des classes latentes permettra d'identifier l'ensemble
des classes de lecteurs et d'évaluer la possibilité
de déterminer, pour chaque groupe de lecteurs, un type de comportement
devant la télévision qui lui serait spécifique.
La presse écrite et les programmes télévisuels
sont classés en fonction de leur focalisation sur l'information
(sérieuse ou plus superficielle) ou sur l'amusement et les
loisirs (sérieux/superficiel). Cinq types de lecteurs ont été
identifiés sur la base des catégories de textes lus:
les lecteurs-loisirs, les chercheurs d'information, les lecteurs locaux,
les non-lecteurs et les omnivores. L'analyse de leur comportement
devant la télévision à son tour dégage
cinq types d'audience/cinq segments d'audience aux caractéristiques
bien particulières. Ces résultats confirment empiriquement
les notions d'orientation médiatique et de segmentation de
l'audience, et invitent à reconsidérer la thèse
bourdieusienne de l'homologie.
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